Comment gérer les écrans dans l’enseignement secondaire ?

Nos sociétés contemporaines sont frappées de plein fouet par l’emprise des écrans sur nos faits et gestes quotidiens. L’instantanéité des actions que les smartphones, les tablettes ou autres jeux vidéos imposent au cerveau, constitue un véritable bouleversement des aptitudes qu’il avait acquises jusque-là. Ainsi l’utilisation de ces produits électroniques demande avant tout des analyses, des réflexions ou des réactions très rapides, voire de plus en plus rapides. Il est apparu que notre encéphale sait s’y adapter dès le plus jeune âge : il met en place des connections neuronales qui permettent justement une gestion efficace des écrans…Mais à quel prix ? 

Ce sont en effet les chercheurs qui nous alertent sur le fait que ces connections ne correspondent pas du tout aux connections dont nos méninges auraient besoin pour apprendre une langue. Savoir parler, lire ou écrire nécessite une toute autre plasticité synaptique ou neuronale. Si un enfant de quinze mois utilise fréquemment un téléphone portable et/ou une tablette, sa matière grise va s’adapter au fonctionnement de l’outil électronique. D’un côté l’architecture de son cerveau va s’y conformer aisément mais de l’autre côté l’architecture indispensable à l’apprentissage du langage ne se met pas correctement en place. Il en résulte que plus l’exposition aux écrans intelligents est intense et fréquente lors de la petite enfance, plus graves, voire irréversibles seront les troubles de langage.  

Pour s’en rendre compte il suffit d’interroger par exemple les orthophonistes et logopèdes. Les consultations d’enfants de trois ou quatre ans qui ne parlent que peu voire très mal, explosent littéralement ! Le constat que font les pédiatres est tout aussi alarmant. Ils alertent de leur côté sur les dommages à vie que les outils électroniques peuvent causer. 90% des pédiatres allemands énumèrent l’obésité, les comportements asociaux, les déficits moteurs, les difficultés d’apprentissage ainsi que l’isolement social comme autres suites directes de l’exposition incontrôlée aux écrans. Malheureusement les observations des ergothérapeutes, des psychométriciens ainsi que des psychologues vont toutes dans le même sens… 

Il faut également souligner que des études scientifiques démontrent que l’utilisation d’un téléphone portable génère la sécrétion de dopamine, cette fameuse hormone du bonheur. Appuyer sans cesse sur les touches du smartphone développe donc une véritable dépendance. Ainsi la recherche nous rapporte que ces écrans changent l’architecture des jeunes cervelles, agissent comme une drogue tout en y installant un profond besoin d’instantanéité…Un sombre tableau en quelque sorte ! Et le tableau noir dans tout cela ? 

Il est évident que cela nuit terriblement à notre élément d’apprentissage le plus élémentaire : le langage ! Afin de pouvoir apprendre quoi que ce soit, il faut savoir lire, écrire et parler. Si ces compétences essentielles sont vacillantes ou carrément absentes dès le plus jeune âge, le cursus scolaire entier s’en trouve ébranlé. Comme la compréhension d’un texte, la synthèse de ses idées essentielles, voire la rédaction d’un courrier font appel à ces aptitudes spécifiques. Tout projet de viser des études plus poussées devient illusoire. Sans oublier un autre dommage collatéral majeur : la capacité de concentration des élèves fond comme neige au soleil ! Écouter, lire ou écrire sans perte d’attention sera impossible aux générations à venir. D’ailleurs d’ores et déjà nous constatons tous les jours que les élèves peinent de plus en plus à garder leur concentration en classe… 

Et la politique dans tout cela ? Notre Ministre a lancé, il y a trois mois de cela, une très timide campagne de sensibilisation autour de cette question. C’est déjà un début, mais c’est loin d’être suffisant ! Nous demandons d’urgence que les enseignants puissent débattre de cette question cruciale sous forme d’assises nationales. Il s’agit notamment de discuter du comment utiliser les tablettes à bon escient au sein de nos lycées. De même nous devons définir la présence ou l’utilisation des écrans au sein de notre société telle qu’elle nous semble juste et appropriée. Ainsi une éducation aux écrans sera élaborée pour l’enseignement primaire aussi bien que le secondaire en dialogue avec des scientifiques et des experts du monde médical. Il s’agira d’une sorte de « permis d’écran » apportant règles, normes et solutions. Au ministre la charge de porter les conclusions de cette démarche au-devant de nos concitoyens.  

Car il s’agit bien d’un défi qui se pose à notre société entière ! Plus précisément : il ne saurait être question de refuser simplement le progrès technologique ou d’interdire les écrans. Nous sommes les acteurs pédagogiques, il nous incombe donc de déterminer la juste place des écrans au sein de nos salles de classe et par ricochet, de notre société ! L’enjeu est de taille : si nous n’agissons pas avec détermination, la génération « écrans à outrance » sera perdue à jamais. On ne saurait « parler » de progrès si les petits enfants ne savent plus parler. La crise du COVID19 nous a montré la voie : agissons toutes et tous dans un sens scientifique pour unir nos forces ! Car il en va de l’âme de notre avenir !